Il est certain que le compositeur George Benjamin et le dramaturge Martin Crimp accompagnés à la mise en scène de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, tous de nouveau réunis après l’opéra de 2006 « Into the Little Hill », pour « Picture a day like this » n’ont pas choisi la simplicité en présentant un oeuvre faite de contrepoints à l’art lyrique et d’un minimalisme presque ascétique. En réalité cela révèle une création exigeante entre respect des genres et modernité de l’approche scénique. La symbiose de cet assemblage des contraires est efficace car le spectateur est immédiatement pris par la trame narrative où la tension s’amplifie au fil des tableaux.
Il s’agit d’abord d’une fable avec des personnages aux noms généralisant comme la Mère ou l’Artisan, les Amants etc.. L’ambition est bien ici d’embrasser l’humanité toute entière pour lui offrir une morale universelle. Au travers ce style court, elliptique et non épique, il s’agit d ‘interroger la nature humaine et ses vices.
C’est ce que rencontre la Mère dans une recherche désespérée de l’enfant perdu se transformant en quête initiatique dans laquelle elle traverse l’envie, la dépression, le malheur de personnages qui perdent pied, et surtout leurs masques bienséants, au contact de la tragédie vécue par une mère orpheline de son enfant.
A la recherche du bonheur, quête dictée par un mystérieux message écrit qui l’enjoint de se frotter à des gens heureux pour récupérer ne serait-ce qu’on bouton de l’un de leurs habits et par là retrouver miraculeusement le défunt enfant, la Mère ne trouve qu’une humanité inconsolable. Procédés hérités des contes de fées où la valeur métaphorique et symbolique de certains objets leurs donne un pouvoir magique. Magie dont l’oeuvre est empreinte notamment dans le dernier tableau.
Aux prises avec cette déchéance qui s’apparente à une descente aux enfers, oppressée par ces sombres âmes projetées dans la noirceur du décor, la Mère pourtant tout en contraste avec sa robe à fleurs est entourée de l’atmosphère du deuil , ce que les plusieurs silences, parsemant l’oeuvre, ne cessent de rappeler.
La direction musicale ne se contente pas seulement de prend le pli de la Mère et de l’accompagner dans ces seuils à franchir, elle ajoute à la tension palpable sur le plateau des variations en évitant le piège de la répétition de thème. Toutes en subtilité, les harmonies diffèrent et la musique insuffle finesse et variété face à la brutalité des émotions
Ce qui complète et enrichi un texte avare de figures de style et dépouillé de poésie . Ce qui ajoute maintient en vie les protagonistes apportant un souffle tantôt doux et obscur.
Reste l’arrivée de l’Espoir avec l’entrée dans le jardin de Zabelle, la « soeur de destin » de la Mère. Comme tous les autres, elle semble heureuse au moment de la rencontre dans son « Eden » remarquablement mis en ne espace par le travail vidéo du plasticien Hicham Berrada représentant un nature liquide, en mouvement bref l’envers de la traversée dans la nuit que vient de subir la Mère. Ce mouvement, remodelant l’espace en permanence avec des éléments spongieux nous fait entrer dans la dimension liquide du rêve.
Rêve dans lequel s’est emprisonnée Zabelle elle aussi meurtrie pour toujours par la perte et qui se réfugie dans cette profusion d’arborescences. Cette communauté de destin, cette rencontre jumelle offre alors une issue au deuil impossible de la Mère avec ce retour de la couleur, de l’Imagination donc des possibles. Après les tempêtes de l’âme, le miracle a bien lieu.
DIRECTION MUSICALE : Sir George Benjamin
MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHIE, DRAMATURGIE, LUMIÈRES : Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma
COSTUMES : Marie La Rocca
VIDÉO : Hicham Berrada
ASSISTANT À LA DIRECTION MUSICALE : Marc Hajjar
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE : Sérine Mahfoud
ASSISTANT À LA SCÉNOGRAPHIE : Théo Jouffroy
ASSISTANTE AUX COSTUMES : Peggy Sturm
ASSISTANT AUX LUMIÈRES : Laurent Irsuti
CHEF DE CHANT : Bretton Brown
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