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  • Photo du rédacteurMathieu Méric

AMORE Une création de Pippo Delbono

Dernière mise à jour : 18 sept. 2022


« Écoute, écoute

Dans le silence de la mer

Il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l’heure… »


Léo Ferré, Il n’y a plus rien



Cela fait quelques années maintenant que Pippo Delbono élague la scène de tout superflu pour ne laisser que le vide, le silence ou l’image. Fini le temps des fulgurances dansées, jouées, des cris déchirants terminant une matière textuelle scandée ou encore des scènes collectives.


Cela résulte bien évidemment d’un choix, le risque est énorme et il n’a pas toujours été concluant.


Mais, ce que l’on a pu traduire par un fatigue intellectuelle ou artistique ces derniers temps se révèle de plus en plus une quête intransigeante où la vie et l’art s’épousent l’un l’autre dans une recherche esthétique loin des préceptes contemporains de la scène d’aujourd’hui et la sublimation d’une vie secouée de violences tous azimuts.


Palpable pour « La Gioia » , transformée en magnifique requiem pour Bobò, l’acteur fétiche de la compagnie, décédé peu avant la première en France, cet effacement des corps et des voix au profit d’une présence accrue de l’espace et du chant franchit une étape supérieure dans Amore.

En effet, il semble à première vue que tout se réduit dans le théâtre de Delbono, scènes, solos, durée et dans ce dernier spectacle atteint un effacement je dirais « supérieur », tout du moins beaucoup plus radical que précédemment.


Cette économie de jeu, de gestes, n’est en rien un manque de générosité, il donne en réalité que plus de valeur et de portée à ces petits gestes, ces actions déployées parcimonieusement au cours du spectacle avec une technique au diapason pour nous offrir des images qui resteront absolument éternellement en nous.


La déclinaison de l’amour chez Delbono était attendue, lui, cet immense acteur revenu des ténèbres de la maladie, du deuil, comment allait-il traverser ce sujet qui de part son ampleur ne peut être mis dans les mains de tous le monde tant cela peut susciter de mésaventures et des clichés.

Le colosse génois avoue lui même au cours d’une discussion en plein milieu du spectacle avec le public à laquelle il nous a habitué depuis des années maintenant, étant devenu un maître de cérémonie en dehors d’être acteur et metteur en scène, qu’il recula devant la tâche n’ayant pas envie d’en parler alors en pleine crise personnelle.


Puis sont entrés en lui les sons , les lumières, les voix du Portugal au cours d’une résidence. Ce pays va se transformer en la valeur-étalon de l’amour pour le metteur en scène.


Sur scène se succède les rencontres portugaises de Pippo Delbono qui chacune vont essayer de forcer le verrou de l’amour : comment vivre sans, avec, pourquoi fait-il mal, où se cache-t-il ?


Une chose est sûre, il est là : chez ce poète capverdien, dans la chanson de cette femme angolaise qui perd son soldat de mari dans les guerres coloniales, dans le fado bien sûr qui hante tout le théâtre le temps de la représentation et enfin dans les images aussi rares que prodigieuses où Delbono met à nu à travers un silence très dense, à la fois le tempus fugit, l’érosion d’une passion mais aussi la vitalité de cette passion immaculée quand elle fait irruption en nous.

Si l’on devait décrire ce spectacle comme une direction, nous partirions d’une torpeur et d’un vacarme vers une légèreté de papillon et surtout vers l’accomplissement d’un destin dans une paix simple. C’est dire le voyage avec si peu de moyens! Autant dire que nous sommes finalement emportés dans aventure autant exotique, avec sa dose de kitsch - mais qui ne froisse pas le spectateur de théâtre je vous rassure - qu’intérieure et cette recherche intense d’une paix dans l’amour.


Pour finir, je dirais que ce spectacle propose bien plus que son immense sujet. Il nous fait observer ce qu’est une vie dans l’art où une vie avec l’art comme véhicule. La création d’une langage si théâtral et dehors de toute définition à la fois. Nous assistons a un dépouillement progressif d’une scène pour l’essence du geste de théâtre, c’est-à-dire rituel et religieux. Et intemporelle.

Comme le théâtre…millénaire d'Orient. Et c’est ce que Pippo Delbono atteint, l’Orient, comme un maître.

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