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Photo du rédacteurMathieu Méric

DE PEAU ET D’OS ACTEURS ! conçu par Däper Dutto

Voici un objet théâtral rare et nécessaire. Le sujet se lit dès le titre-programme: Acteurs!, le point d’exclamation ne souligne ni étonnement, ni admiration mais concurrence plutôt le fameux action ! du cinéma, art également peuplé d’acteurs. Nous sommes placés au moment de l’action, du jeu sur la scène.

Paradoxalement, pas de scène ici ou du moins une estrade placée en biais face au public comme si le désir de tourner le dos aux dispositifs scéniques conventionnels. Pas de coulisses, seule une trappe d’où sera jouée une scène du Médecin volant par trois acteurs à la manière du Grand Guignol nous rappelle un artifice théâtral. Rien qui ne puisse nous détourner du sujet: les acteurs devant nous dans un espace vidé de références, de béquilles. Ceux-ci se présentent en tenues unies marron ou blanche et sandales renvoyant à une ascèse ou un pèlerinage, attirant le mystère. Point de décor, point de costumes, point de mise en scène, la peau et les os de l’acteur survivent à cet appauvrissement volontaire de la scénographie. Nous observons un squelette que seul les acteurs pourront mettre en vie.

Bien plus qu’un hommage, on perçoit la volonté militante de cette mise en abîme de l’acteur, son désir d’effacer le metteur en scène pour remettre au centre l’acteur, le voir et non le regarder, et surtout le penser. De quelle manière aborder un personnage monstrueux, peut-on jouir de ce rôle? Quel est notre rapport entre notre mouvement intérieur, de l’âme et l’extérieur, celui de la scène? Ce qui est proposé c’est une pensée en actions avec des acteurs qui se questionnent, montrent leurs « trucs » , leur chemin dans l’appréhension d’un rôle, leur rapport avec le texte, leur rapport avec l’existence. En décortiquant, par un ton démonstratif lors d’un prologue sous l’égide de Lacan, le regard est le premier avatar de l’acteur, être vu et son corollaire comment être vu. Descartes et son cogito ergo sum règle la question semble-t-il en permettant la vision de soi pensant.   Mais Lacan fait tout de même état d’un manque chez nous, être de regard, dans le dire et la vision Ce manque est ici la métaphore de l’acteur, chargé d’abord de jouer ce manque qui nous concerne tous ( il s’agit de l’inconscient) en le réduisant, le sculptant pour le montrer sur une scène. Mais surtout, ce manque permet l’avènement du nouveau à nos yeux, de la création . Simplement, Acteurs ! en fait état, les textes canoniques (Hamlet, Molière, Oedipe-Roi) ne sont jamais joués de la même manière par un acteur, jamais. L’acteur révélant quelque chose d’invisible auparavant car manquant .

Ce travail expérimental, en même temps qu’il désacralise le métier d’acteur rend hommage à sa fonction de créateur. Rehaussant sa place dans la hiérarchie inconsciente et contemporaine où le metteur en scène est tout puissant. Cet exercice anthropologique de la connaissance de l’acteur confirme leur nécessité pour l’homme car il dévoile ses ombres, libère ses pulsions et surtout agit sur notre manque en proposant de nouvelles perspectives de vision. A l’opposé de la doxa par sa forme et son discours, les acteurs jouissent de la lumière projetée sur leurs expériences assimilables à une confession qui nous concerne tous. Ces expériences comme celles d’Acteurs! manquent que trop car elle mettent en mouvement notre pensée. Il serait dommage de rater une occasion de voir une pensée-en-vie.

Mathieu Méric Photo: Copyright “Acteurs !” Isabelle Oed


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