Ercole Amante de Francesco Cavalli
Opéra en un prologue et cinq actes. Livret de Francesco Buti. Créé à Paris (Tuileries) en 1662.
Mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq
Musique: Raphaël Pichon et l'Ensemble Pygmalion
À l’Opéra-Comique jusqu’au 12 Novembre
Si la source principale est une tragédie de Sénèque et qu’Hercule a bien un désir d’infanticide dans cet opéra, c’est bien l’amour ( et le rire) qui triomphe sur le plateau de l’Opéra-Comique. Hercule, amoureux d’Iole, la fiancée de son fils Hyllus, va recevoir l’aide de Vénus pour atteindre son but. C’est sans compter sur Junon qui, elle, veut préserver la mariage d’Hercule et Déjanire. Dévoré par la passion, Hercule va lutter toute la pièce pour obtenir les faveurs d’Iole et casser l’amour entre elle et son fils. Cette lutte le mènera finalement à l’immortalité. Hercule d’abord tué par le centaure Nessus, est uni à la Beauté par Junon, transformé en Apollon, il est invité au mariage entre Iole et Hyllus. Cette commande de Mazarin célèbre l’union, et par conséquent la paix en Europe, de Louis XIV et l’Infante d’Espagne. La genèse est optimiste et patriotique . Dans le prologue, Diane ne célèbre pas seulement le mariage royal, Hercule est solaire mais aussi gaulois. Héritier de ces héros grecs liés à l’Histoire de France par les poètes français de la Renaissance tel Ronsard dans la Franciade. Pour la musique on fait appel au maître vénitien Cavalli, c’est-à-dire le compositeur d‘opéra le plus célèbre du moment. Ercole Amante inaugure la salle des Machines au Palais des Tuileries, Valérie Lesort et Christian Hecq ne l’oublient pas dans leur ingénieuse mise en scène à l’Opéra-Comique qui utilise toutes les possibilités de la machinerie, non pas avec à outrance mais, on le sent, avec une plaisir non dissimulé. Inutile de s’arrêter sur l’aspect politique de l’oeuvre, une apologie lyrique de la Raison d’État, anachronique et incompréhensible aujourd’hui. On peut seulement noter la marque d’une époque prétexte à mettre en scène le pouvoir de Louis XIV, c’est-à-dire celui du Roi dansant. La présence de nombreux passages chorégraphiés en atteste et, si l’oeuvre reste bien un opéra on y perçoit une poussée certaine du ballet notamment avec la grande influence du rival de Cavalli, un dénommé Jean-Baptiste Lully. La musique est jouée avec intensité par Raphaël Pichon et l’ensemble Pygmalion. Endiablée mais avec maitrise, joueuse, rieuse. Les tonalités sonnant très justes avec l’activité scénique. Dans la deuxième partie, l’Acte IV et Acte V, la musique prend plus de place et l’action scénique se raréfie laissant un espace qu’elle comble avec de plus en plus de densité, le dénouement approchant.
L’espace scénique avec ses murs blancs permanents offre un contraste intéressant pour mettre en valeur des costumes fastueux et surtout un univers qui se plaît à représenter le merveilleux et la fantaisie avec monstres, demi-Dieux accompagnants des humains aux prises avec la fureur amoureuse. Aux jeux de lumières au diapason d' un rythme soutenu par la présence de gags et d’accumulation d’effets comiques allant de l’ironie tragique de Déjanire au grotesque de l’apparition du monstrueux et rigolard Sommeil, il faut insister sur l’utilisation de trappes et cintres quasi systématique durant le spectacle. Cette présence de la machinerie est telle qu’ont voit plusieurs fois le choeur intégré au décor. On peut penser par moment que c’est la machinerie qui est mise en scène. Les personnages, remarquablement interprétés par les chanteurs, sont sans cesse traités avec décalage face au tragique de la situation, notamment Hercule, précieux ridicule. Si bien qu’avec déplacements et gestuelles surprenantes et inattendues qui donnent un mouvement agréable à l’ensemble, ont se rapproche légèrement de la commedia dell’arte, l’allusion avec le costume d’Arlequin de Lychas est même possible.
Cette mise en scène enjouée, véritablement tournée vers la fantaisie et la plaisir d’opéra, servie par une musique sublime emboîtant le pas du mouvement scénique allegro, offre une féerie légère malgré le pathétique du sujet ce qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire car elle possède un charme fou.
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