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  • Photo du rédacteurMathieu Méric

NOTRE INQUIÉTANT QUOTIDIEN

"hélas"

texte Nicole Genovese mise en scène Claude Vanessa Avec André Antébi, Sébastien Chassagne, Nicole Genovese, Nathalie Pagnac, Bruno Roubicek, Adrienne Winling. Crédit photos : @charlotte fabre

Théâtre de la Tempête du 10 janvier au 9 février 2020

« hélas » est dada, résolument. Il l’est car tout repose sur l’irruption du bizarre dans un quotidien mécanique bien huilé au rituel moderne du repas en famille devant la télévision, centre du dispositif scénique. Quotidien abruti par le vide et la mièvrerie énoncées par des productions télévisuelles mais qui va s’animer pour être violemment renversé et mis en désordre avec une contamination du plateau par l’absurde. Les inepties déversées par une sitcom et l’apathie de l’une des émissions de jeu les plus célèbres de France nous avertissent: le discours et la morale sont totalement vains, ne prennent pas ici, ils seront même ridiculisés.

La charge critique qu’amène le burlesque, cette morale de la tarte à la crème, rend l’homme petit et idiot comme les personnages dont les déplacements et les mots amplifient le vide de leur existence et leur absurdité dans ce monde. La déraillement de la machine décervelante montrera leur bêtise et leur méchanceté, voire leur cruauté, véritables ennemis auxquels s’attaque le genre comique. Les dadaïstes luttaient contre cela aussi, l’esprit de sérieux, la guerre surtout etc.. Pas discours mais de l’action, du concret. C’est exactement ce qui se passe ici, une organisation « concrète » du désordre qui est orchestrée avec virtuosité. Tout discours est impuissant face à cette anarchie « fluide » , ce démantèlement du quotidien qui fait hurler la vie en créant du conflit, alors que tout était mort. La représentante de la culture est le seul personnage produisant un discours avec ses interventions au bord de la scène, véritables logorrhées abaissant la langue à une novlangue de bureaucratie culturelle et municipale, doublant la charge critique du spectacle avec ces courroies labyrinthiques du monde de la culture -dossiers, partenaires, subventions, aides, élus etc..- rendues inaudibles, infernales et kafkaïennes. Cette incursion produit un effet comique dévastateur en parodiant une glose officielle inopérante, dont tout le monde se fout et qui semble abstraite dans le spectacle tellement le décalage avec la scène plombe littéralement ces interventions parlées et mettent à nu leur monstruosité. De côté, au bord, comme si ce discours ne pouvait pénétrer l’espace scénique car l’écart est tellement abyssal que les mots, le texte, deviennent du "nonsense", inutiles. Les personnages sont figés dans leur rôle , répètent sans cesse les mêmes répliques et surtout agissent, mécaniquement, sans se poser de questions, toujours de la même façon, même lorsque l’ordre des répliques, des entrées, est modifié, les mots sont interchangeables tant on tourne à vide dans ce ménage infernal. De cette répétition éclate, pourtant rien n’est psychologique tout au contraire, une névrose terrifiante, la nôtre, du quotidien dans lequel nous sommes englués à notre rôle social en passant par ce que nous faisons par paresse de pensée. Le désordre mis en scène fait éclater au grand jour cette absurdité qui nous conduit tous les jours, notre inconscient conformiste. Famille et culture sont brutalisées par ce renversement de la morale, qui fait du burlesque une morale de l’effondrement des valeurs et un révélateur de nos plus bas sentiments, de notre répétitive bêtise. M.M



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