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  • Photo du rédacteurMathieu Méric

S'effacer jusqu'à l'âme

Nacera Belaza, L’Onde / Le Cercle, Théâtre national de la danse - Chaillot, octobre 2022.


Nacera Belaza, dans ses deux pièces L'Onde et Le Cercle plonge le spectateur dans un monde obscur, clos, froid et surtout absent de toutes traces permettant d'identifier un lieu ou une référence. La scène devient un "nulle part" sans identité, libéré des contraintes de temps et de lieu.


Ce sera l'action des danseurs paradoxalement pris dans un clair/obscur, sol y sombra, entre apparitions et effacements, qui nous guidera.

Si la danse s'efface sur la scène alors qu'est ce qu'il reste au spectateur ?


Volontairement, la partition s'affranchit des lumières de la scène censées délimiter l'espace.Tout à l'économie les projecteurs s'allument par séquence, centrés sur les danseurs durant tout le long du spectacle.

Alors, nous sommes dans le vide et cela part de là, d'un néant, d'un trou. Ce qui est intéressant c'est que nous entrons dans un monde où tout est à venir.





Tout va à l'encontre de l'obsession de couleurs, de l'empire de l'éclairage pour nous laisser seul dans le noir avec nous-mêmes, nous renvoyant à notre solitude dans le silence du recueillement.

Ce qui vient est une effraction dans ce silence noir. Passagères mais constantes, des effigies apparaissent puis s'éclipsent de manière répétitive.Ce sont des apparitions/ disparitions comme dans un rêve: inexplicables avec une présence de plus en plus obsédante.


Ce spectacle s'adresse aussi à nos inquiétudes : le noir, la nuit, les images.

Dans cet "outremonde", des corps aux mouvements d'abord amples et circulaires, venus donc de nulle part, imperturbables et sur un axe sur lequel ils semblent fixés, exécutent des demi-tours à la manière de derviches tourneurs.

Là aussi: répétition, obsession.


Le paradoxe de cette présence/absence des danseurs étant installé, on comprend alors que ce spectacle s'adresse plutôt à notre esprit qu'à notre oeil.


En bannissant toute référence esthétique, en utilisant les lumières pour mieux faire disparaitre les danseurs, créant un séquençage mécanique, une suite d'images comme photogrammes, réifiant les interprètes, l'intention se situe ailleurs que dans la pure performance vitaliste des corps dansants mais alors dans une zone métaphysique et d'introspection.


Naît une danse qui tente d'atteindre une profondeur qui va bien au-delà des gestes. Ce qui n'entache pas toutefois notre besoin, tel des assoiffés, entre deux noirs, de voir ces interprètes s'émanciper du cercle de départ pour acquérir une autonomie fragile, en crise, faire de soubresauts et de tremblements permanents.

Et nous d'épouser cette crête fragile dans laquelle ils semblent se trouver.

Ultime paradoxe: traversés d'inquiétude, parfois de terreur, nous ne sommes pas rassasiés, on s' habitue, on accepte cet effacement, ces gestes hybrides allant de la prière à l'animalité car ces pièces ne sont pas faites pour être présentées devant nous, elles sont créés pour entrer en nous.

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