Présente en ouverture de la 7e édition du Festival "How to Love" (https://petitbain.org/how-to-love/) au @petitbain, la poétesse, militante et musicienne de Philadelphie Camae Ayewa n'a pas dérogé à l'esprit de son dernier album sorti il y a moins d'un an, l'occulte Analog Fluids of Sonic Black Holes.
La performance fut d’abord brumeuse, distante, Moor Mother ajustant son set derrière les machines, muette, laissant le field-recording de voix, des sons heavy-bass ou de percussions traditionnelles s’exprimer. Le décor posé, le verbe pouvait arrivé.
Au micro, Ayewa s’appliqua à dépecer brutalement la cadavre post-colonial et post-racial du continent américain. Le crime fut ample et parfait : violences policières -le terrifiant morceau LAPD 92- colonialisme, racisme, hypocrisie, armes à feu..le tout fut mis en pièces.
Des spirituals aux danses post-internet en passant par le free jazz, c'est un véritable laboratoire de la musique afro en live que propose Moor Mother. Ce collage souligne une démarche expérimentale et artistique marquée par un discours politique qui s'appuie en grande partie sur le Black Power Movement tendance Black Panthers qui, ne l'oublions pas, était aussi un mouvement culturel, pensons à Amiri Baraka.
Plus le concert avançait et plus Ayewa nous entraînait avec ses expérimentations dans un univers apocalyptique post-industriel où les voix spectrales de spirituals, de discours ou de mélodies enregistrées apparaissaient puis disparaissaient comme des motifs de survivances, de résistances dans ce monde de ruines.
Enfin, restait une présence sur scène qui s’épaississait au fur et à mesure de la performance. Intenable, Ayewa se livra sans retenue , avec « brutalisme » pour emprunter le titre du dernier essai d’Achille MBembe, contre la brutalité du monde.
La performance de Moor Mother peut être aussi vue comme une tentative d’exorcisation de ce qui qui cause la douleur des hommes tant le rapprochement avec la transe est évident. Magique prouesse qui met en musique nos cauchemars pour mieux les prendre d’assaut.
M.M
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